Yoann Esquis, les clés pour devenir guide de pêche

Posted On 28 avril 2020

Découvrez le portrait de Yoann Esquis, coordinateur du Centre National de Formation aux Métiers de la Pêche. Découvrez son parcours, la formation pour devenir guide de pêche et ses perspectives d’avenir.

Bonjour Yoann. Pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore, pourrais-tu brièvement te présenter à nos lecteurs ?

Bonjour, Yoann Esquis, je suis un passionné de pêche et des milieux aquatiques depuis tout petit. J’ai suivi un cursus de formation en aquaculture (BTS Aquacole puis une maitrise en gestion d’entreprise option aquaculture).

Suite à un accident de la route en cours de formation ( j’ai encore quelques séquelles), j’ai dû annuler mon projet. Je voulais monter ma pisciculture avec pêcherie, hébergement et restauration.

J’ai profité d’une opportunité pour me lancer dans la recherche sur la reproduction et production d’espèces marines à l’époque très peu connues. Le  directeur de l’Institut de Biologie Marine en Crête, Pascal Divanach, a fait partie des 3 personnes qui ont promu l’aquaculture marine du bar en France. C’est là-bas que j’ai développé mon envie de transmettre mes connaissances et les développer.

Ensuite, je suis retourné en France en tant que formateur en aquaculture pour adolescents puis adultes. Deux ans plus tard, on m’a proposé de devenir coordonnateur de la formation de moniteur guide de pêche du centre. Cela fait maintenant 12 ans que j’occupe ce poste et développe des formations en lien avec les poissons de près ou de loin.

D’où te vient cette passion pour la pêche ?

Mon cousin m’a fait prendre mes premiers vairons à l’âge de 3 ans avec une canne en bambou dans le ruisseau en bas de chez mes grands-parents en Haute-Loire pendant mes vacances d’été … Au désespoir de mes grand parents ils n’ont pu manger qu’une friture.

Je passais mon temps à les regarder dans la grosse bassine de ma grand-mère que l’on avait mis au garage car j’avais vite compris qu’en plein soleil ils ne résisteraient pas longtemps. J’ai eu la chance d’avoir un voisin pêcheur qui m’amenait régulièrement à la pêche avec ses enfants.

Aurais-tu aujourd’hui une pêche de prédilection ?

Aujourd’hui, je suis plus orienté sur la pêche aux leurres et à la mouche. Jusqu’à 18 ans, j’ai pratiqué la pêche au coup et à la carpe.

J’aime utiliser la bonne technique de pêche du moment pour chaque type de poisson pour passer de bon moments au bord de l’eau et, cerise sur le gâteau, faire partager ces moments à d’autres personnes, c’est encore mieux. En ce moment c’est la pêche en UL.

Aurais-tu également un poisson préféré ?

C’est surtout en fonction de la saison et du poisson du moment. Celui qui me fait sortir et affronter les pires conditions climatiques est le sandre. Toute la démarche pour déclencher les touches est vraiment intéressante même si parfois c’est un sacré casse-tête ! Mais quand on a trouvé la bonne combinaison cela devient « de la cueillette », un moment magique.

Il est important de préciser qu’être moniteur guide de pêche, au-delà d’une passion, c’est avant tout un métier. Comment prépares-tu les futurs guides à devenir de vrais chefs d’entreprise ?

Au centre, les futurs moniteurs guides sont formés pour devenir de vrais patrons d’entreprise mais aussi pour être des éducateurs, des animateurs au sein des structures associatives.

Pour répondre au mieux aux exigences du métier, j’ai créé un programme très complet de près de 780 heures en centre liant cours théoriques (1/3) et pratiques (2/3). Mon objectif est de faire en sorte que la formation corresponde réellement au métier. J’essaie d’optimiser chaque cours avec les intervenants (jusqu’à 60 en fonction des projets de chacun), en répondant aussi aux nouvelles demandes et marchés niches.

J’ai passé plus de 5 ans (pratiquement tous mes week-ends et congés) aux cotés de moniteurs pour étudier le métier. Ceci afin qu’au terme de la formation, les compétences des futurs moniteurs guides de pêche correspondent aux exigences de la profession. Exigences que je partage totalement.

Tu coordonnes aujourd’hui le Centre National de Formation aux Métiers de la Pêche. Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur ce centre, ses objectifs et le déroulé de la formation ?

Il faut souligner que dans notre pays, le métier de guide de pêche a très largement évolué, surtout depuis le début des années 2000. Auparavant, devenir professionnel en la matière ne nécessitait pas de diplôme, il existait des qualifications qui duraient quelques mois…

Aujourd’hui, le moniteur guide de pêche a un statut d’éducateur sportif spécialisé et diplômé d’état que le candidat obtient après presque une année de formation très complète. Le Centre National de Formation aux Métiers de la Pêche a été véritablement créé dans le département de la Creuse voilà maintenant 18 ans, en grande partie grâce à Fabienne Déguilhem, référente national du Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Education Populaire et du Sport « Pêche de loisir ».

Ce diplôme de niveau IV a été mis en place dans la fameuse « salle verte » du centre, où les stagiaires suivent aujourd’hui leurs cours. Depuis sa création, il est obligatoire pour pouvoir exercer en tant que moniteur guide de pêche.

L’année est divisée en 3 parties :

• Une période de sensibilisation aux milieux aquatiques, de préparation et réalisation d’animations pour notamment le métier d’agent de développement.
• Des moments de stage : 4 semaines en fédération de pêche et 2 semaines avec un ou des guides professionnels viendront illustrer la mise en pratique de tout ce qui a été étudié au centre. Les stagiaires peuvent multiplier par deux la période de stage pour optimiser leur projet si besoin.
• Une période réservée au montage du projet professionnel avec l’apprentissage et la transmission de chaque technique et tactique. Tous les outils nécessaires à la création de son entreprise sont décryptés ; dont le business plan sur 5 ans complété d’une comptabilité analytique que j’ai développée en rapport au métier, tout ce qui intéresse les banquiers.

Qu’est-ce qui fait la force du Centre National de Formation aux Métiers de la Pêche selon toi aujourd’hui ?

Je mise sur l’intervention régulière de nombreux professionnels de qualité reconnus dans le milieu de la pêche en France. Par exemple, pour le carnassier, les stagiaires passent une semaine avec Gaël Even.

L’objectif est de leur donner des pistes de réflexions sur les stratégies de pêche des carnassiers. Après la théorie, la mise en pratique est ensuite réalisée en bateau. J’ai 7 à 8 moniteurs guides de pêche qui viennent m’aider pour réaliser cette semaine dont Jimmy Maistrello, Jean François Lecomte, Cédric Dubois, Charlie Touche, Cédrick Plasseau, Sébastien Thête et Clément Bauret, personnalités aussi très impliquées et connues dans le monde de la pêche des carnassiers.

La force principale du centre est cette richesse des intervenants et de leur disponibilité pendant et après la formation, chacun expert dans son domaine et également en pédagogie. De nombreux intervenants sortent du centre. Le site www.devenezguidepeche.fr est mon site personnel, dans lequel je promotionne des moniteurs guides de pêche que j’ai formés et d’autres qui m’ont démontré leurs compétences. Je ne demande rien en contrepartie.

Une association a été créée, il y a trois ans (Association Francophone des Moniteurs Guides de Pêche) avec comme but principal d’aider les stagiaires en formation à s’insérer dans le milieu professionnel. C’est le côté bienveillance, l’esprit famille que j’essaie de développer au centre dès l’arrivée des stagiaires.

Avec le temps, il semble que cette éducation porte ses fruits. Certains moniteurs arrivent avec une caisse à outils déjà bien fournie, d’autres un peu moins. Mon but est qu’au final tous repartent avec tous les outils nécessaires pour réussir dans ce milieu et qu’il y ait une entraide collective qui en ressorte.

Chaque année, il y a des mises à jour sur le contenu de formation en fonction des évolutions du métier et bien sûr pour répondre à la diversité des projets de chaque stagiaire.

Par exemple, en avril 2019, j’ai mis en place dans la formation le thème de la « Trout Aréa » avec Vincent Petit, Guillaume Vernet et Hosono Neo Masahito sur un réservoir. La première Cup a eu lieu en février 2019. Cette année c’est le vainqueur de la @Truite Aréa Cup 2019, Jimmy Maistrello qui vient de réaliser cette intervention.

Quels sont les profils de personnes se rapprochant du Centre National de formation aux métiers de la pêche d’Ahun ? Observes-tu par ailleurs une évolution des profils et des projets (jeunes, femmes, personnes souhaitant guider à l’étranger, technique de pêche en particulier,…) ?

En 12 ans j’ai dû avoir tous les types de profils passant du jeune animateur en fédération à la personne voulant bâtir cette activité à la retraite pour arrondir les fins de mois et partager des moments au bord de l’eau. En fait ce qu’il a toujours voulu faire mais il n’avait pas le temps avant.

Depuis 2014 j’ai régulièrement une ou deux femmes chaque année. Elles sont très bien intégrées au groupe qui au final fonctionne comme une famille avec une forte entraide.

J’ai régulièrement des demandes de personnes de l’étranger qui veulent venir se former pour pouvoir exercer avec toutes les compétences nécessaires. Sur les deux dernières années j’ai eu une personne de Croatie et une de Guyane. Ce sont très souvent eux qui travaillent le plus et obtiennent les « meilleurs notes ». Loin de la famille ils s’investissent à 200% sur la formation.

Pour les techniques, en 2002 il n’y avait que des moucheurs puis vers 2010, 50% de moucheur et 50% de pêcheurs de carnassiers et au coup et maintenant 20 % de moucheurs et les autres sont sur la pêche aux leurres et rarement des pêcheurs au coup. La mouche revient avec les streamers pour les brochets.

Comment vois-tu l’évolution du métier de moniteur guide de pêche en France dans les prochaines années ?

Il existe une multitude de débouchés. Par contre, rares sont ceux qui réussissent à avoir un salaire décent en ne faisant que du monitorat sur une technique avec des clients en France.

C’est avant tout une activité complémentaire sauf pour les salariés comme par exemple les agents de développement en Fédération de Pêche, les animateurs « nature pêche environnement » dans les Centres Permanents d’initiatives pour l’environnement, Maison de l’eau et de la Pêche, Centres de loisirs… Les offres d’emploi arrivent en général en décembre et janvier, ce qui est parfait pour mes jeunes diplômés car la formation se termine en décembre.

Les magasins recherchent de plus en plus de moniteurs formés au centre car ils ont du mal à trouver de bons vendeurs compétents dans toutes les techniques de pêche. J’ai régulièrement des demandes en direct et en fonction du profil recherché, je leur conseille telle ou telle personne.

Sur la promo 2017, 4 sont embauchés dans des magasins de pêche (Anaïs Chasignaud, Steve Blind, Nicolas Moulin, Loic Cailbeaux)  ont été embauchés à la sortie de la formation dans des magasins de pêche comme vendeur et second de magasin et ils exercent leur activité de moniteur en dehors du temps de travail avec les produits du magasin… Royal pour les directeurs de ces commerces.

J’ai aussi beaucoup de demandes pour les camps de pêche d’adolescents. Etant donné que l’option Direction d’Accueil Collectif de Mineurs (UCC ACM) est obligatoire, même des Fédérations de Pêche embauchent des moniteurs car ils ont cette option. 70 à 80% des stagiaires ont une proposition d’embauche à la suite de leur stage en tant que directeur ou directeur adjoint dans la structure où ils ont travaillé et en général les structures me relancent en janvier pour de nouveaux stagiaires.

Le périscolaire avec des cours étalés sur 1 à 2 heures est excellent pour ensuite diriger les stagiaires sur une APN (Atelier de Pêche Nature). Hélas, ce système va être arrêté.

J’ai des moniteurs qui pendant la formation sur leur dossier « insertion structure associative » ont créé leur propre emploi en Fédération de Pêche. C’est le cas de l’école de pêche fédérale de l’Allier. Toutes les propositions avec budget que Manu Bizel avait mises dans son dossier ont été réalisées en fin d’année suivante, le temps d’obtenir les financements. Aujourd’hui il est à mi-temps et gère cette école, les moyens de communication dont le site internet, les réseaux sociaux …

Les débouchés faciles n’existent plus. Il faut être innovant, créatif, réactif, devenir un acteur connu et reconnu du tourisme pêche sur son territoire, avoir des prestations de qualité avec ses clients, travailler en partenariat avec au moins un magasin de pêche et des moniteurs locaux, faire du bénévolat avec son AAPPMA, sa Fédération de Pêche…

Quels sont les gros chantiers en vue pour cette année 2020 pour toi ?

Le plus gros chantier est de réussir à maintenir la formation de cette année en gardant la meilleure qualité de formation possible, même si celle-ci est réalisée en visio conférence depuis mi-mars.

Les intervenants jouent le jeu même si au départ ce n’est pas simple pour certains. Ce système de visio conférence me donne des idées sur l’évolution de la formation dans l’avenir.

Ayant des stagiaires venant de toute la France, voire du monde (Guyane l’année dernière, Croatie en 2018). Je pense qu’alterner séances théoriques « à la maison » et pratique en centre permettra de s’adapter encore plus à la vie professionnelle ou de famille des stagiaires habitant loin en leur évitant des déplacements chaque semaine au centre.

Une anecdote de pêche à nous raconter lors d’une session de formation ?

Une avec l’intervenant d’aujourd’hui, Raphaël Joffrin, un siluriste passionné qui a passé de nombreuses années aux côtés de Jean Claude Tanzilli. C’était pendant la semaine de formation de pratique de pêche des carnassiers sur le Lac de Vassivière en 2014.

Il monte sur mon bateau avec 2 autres stagiaires (Manu et José). Après avoir mis les équipements de sécurité et réalisé la présentation de la séance pour la matinée, je les amène sur un poste de sandre pour les pêcher à la verticale et distribue les cannes.

Raphaël pose la canne et commence à pêcher la tresse à la main comme il pêche le silure… je dis : « pourquoi pas mais une touche de sandre et une touche de silure c’est pas tout à fait pareil Raph »… Je le laisse faire et le mets devant pour qu’il ait le plus de chance de son côté. Devant les nombreux sandres que les deux autres stagiaires prenaient à la canne et lui ne sentant pas les tapes,  il a quand même fini par reprendre la canne en mains et faire monter les sandres au bateau.

J’aurais aimé qu’il m’en sorte un avec sa technique de siluriste avec la tresse tenue en main, mais il fallait se rendre à l’évidence. La subtilité des touches du sandre ne le permettait pas.

Un message à faire passer aux personnes qui souhaiteraient se lancer dans le métier de moniteur guide de pêche aujourd’hui ? Quelles sont les qualités requises ?

Avoir une volonté aiguisée pour la transmission de savoirs sur tout ce qui touche de près ou de loin nos partenaires de jeu.

Se sentir concerné par la protection des milieux et de l’environnement en général. Faire en sorte que la motivation des candidats puisse s’inscrire dans un projet professionnel et de vie ou de vie.

Enfin, allez jeter un œil sur mon site perso www.devenezguidepeche.fr où il y a des informations complémentaires sur le métier de moniteur guide de pêche, plus de 300 articles dont des articles de presse réalisés pendant la formation, des retours de moniteurs sur leur métier et prestations qu’ils proposent.

Liens utiles pour en savoir plus sur Yoann Esquis et sur comment devenir guide de pêche :

www.devenezguidepeche.fr

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